Henri Georges Cluzot…Mémoires non éditées de Paul Misraki, archives familiales.
En voyage de noces à Saint-Paul-de-Vence, j’étais rappelé d’urgence à Paris pour un composer la musique d’un film dû à ce grand réalisateur que fut Henri-Georges Clouzot : c’était « Manon », incarnée par Cécile Aubry.
Clouzot était un homme d’une grande exigence, tant avec les comédiens qu’il dirigeait qu’avec les assistants techniques. Il me fit projeter son film en m’indiquant avec beaucoup de précision les scènes qui demandaient le soutien de la musique ; tout était clair. Je n’avais plus qu’à me mettre au boulot, en travaillant quinze à seize heures par jour pour être prêt à la date imposée.
Ce qui prend le plus de temps, ce n’est pas l’attente d’une inspiration ni la recherche des accords, des variations ou des contrepoints. Non, le plus long, c’est l’orchestration, c’est-à-dire la répartition des notes entre les instruments, notes qu’il me fallait inscrire sur de grandes feuilles de papier à musique striées de quinze à trente portées, chacune pour un instrument ou groupe d’instruments.
Ce fut malheureusement ma seule collaboration avec Clouzot. « Manon » avait été très appréciée et, pour son prochain film, il voulut que Suzy Delair soit la créatrice pour la France de ma samba rapportée d’Amérique du Sud : Maria de Bahia. Je dus lui répondre, à mon grand regret, que Maria était déjà incluse dans le nouveau film de Ray Ventura, « Mademoiselle s’amuse » avec Giselle Pascal, alors en plein tournage. Clouzot rechercha alors une autre solution auprès d’un autre compositeur. J’avais, comme on dit, « perdu l’affaire ».
Manon, avec Cécile Aubry et Serge Reggiani