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Darius Milhaud…Mémoires non éditées de Paul Misraki, archives familiales.

Un peu après l’opérette « NORMANDIE » (1936), j’appris par hasard que l’illustre compositeur Darius MILHAUD, membre du fameux « groupe des six », ami d’Arthur Honegger et de Georges Auric, promoteur de la « musique multitonale » appartenait à ma famille !... Bien que nous eussions des ancêtres communs, je ne l’avais jamais rencontré.


J’écoutais parfois ses œuvres diffusées au cours de concerts radiophoniques et – très franchement – je n’y comprenais strictement RIEN. La musique multitonale restait pour moi un mystère insondable, elle évoquait pour mon oreille le clapotis dérangeant d’un robinet mal fermé ; je n’y distinguais aucune harmonie, et j’en concluais humblement que mon éducation musicale, bien trop classique, me rendait impénétrable à la musique « moderne ».
Imaginez ma stupeur lorsque je reçus de Darius Milhaud une invitation à dîner chez lui en toute simplicité…


Il était né en 1892, et était donc de seize ans mon aîné. Il m’accueillit avec beaucoup de gentillesse. J’étais, quant à moi, mal à l’aise, très intimidé : n’était-je pas semblable à un petit garçon face à un « Maître » ? Je parvins toutefois à dominer ce sentiment, aidé par le sourire de Madame Milhaud…

Nous prîmes place tous les trois autour d’une table préparée pour un dîner intime, et la conversation débuta par l’évocation de notre ascendance commune

Vint enfin le moment, proche du dessert, où – le champagne aidant – je trouvai le courage d’avouer à mon illustre cousin que je demeurais hermétiquement clos à la juste appréciation d’une musique beaucoup trop savante pour moi ; j’étais un simple néophyte, il y avait des sommets auxquels je ne pouvais atteindre….

- Ne croyez pas ça, me dit fermement Darius ; vous avez un talent remarquable pour construire vos mélodies. C’est très important, de savoir construire… Personnellement, je vous affirme que je m’y suis souvent efforcé, mais c’est en vain. Je n’ai jamais pu y parvenir, je n’ai jamais su composer des mélodies comme vous le faites si bien…


Je demeurai saisi, bouche bée. Et j’ai précieusement gardé le souvenir de ce dialogue imprévisible et de cette appréciation inespérée émanant d’une telle autorité.