UNE PETITE FILLE DU NORD
1946. Un Français que nous avions rencontré à Buenos Aires, où il s’était réfugié, comme nous, pendant l’Occupation, était réalisateur de films : Pierre Chenal. A son retour en France, il entreprit tout de suite le tournage d’un film : « LA FOIRE AUX CHIMERES ». Ayant sans doute apprécié mon travail accompli en Argentine, il requit mes bons offices pour la musique.
Mais, afin de satisfaire à la mode du bon vieux temps, il fallait impérativement introduire dans le scénario une scène de cabaret, servant de prétexte à la « création » d’une chanson. Je devais donc, sans tarder, composer ladite chanson, avec des paroles de André Hornez, et ce fut : « TANT QUE TU M’AIMERAS ».
Line Renaud…Mémoires non éditées de Paul Misraki, archives familiales.
Là où l’affaire se compliquait, c’était que je devais moi-même en trouver l’interprète, de préférence jeune et jolie. La chanteuse ne faisait pas partie de la distribution du film, elle n’y jouait aucun rôle en dehors de son apparition sur l’estrade de la boîte de nuit.
Problème : nous avions été si longtemps absents de Paris que nous n’y connaissions plus grand monde. Où trouver cette perle rare que réclamait Pierre Chenal ??? Allait-on mettre une annonce dans les journaux ?
J’exposai mon problème à l’ami Loulou Gasté, mon vieux camarade-Collégien de Ray Ventura. Il me répondit : « Attends, j’ai exactement ce qu’il te faut ! Une fille très chouette, elle a vingt ans, et elle chante divinement bien. Seulement voilà, elle n’habite pas Paris. Il faut la faire venir de chez elle ; elle est d’Armentières, tu sais, près de Lille, dans le Nord. »
Bon, eh bien, qu’à cela ne tienne, suivant le conseil de Loulou, on fit venir la petite inconnue : elle correspondait tout à fait à la description qui nous en avait été faite.
Elle n’eut aucune difficulté à apprendre par cœur notre chanson. C’était une mélodie romantique à souhait : « Tant que tu m’aimeras… tant que tu m’es fidèle… ». Les prises de son et les prises de vue se déroulèrent très vite, la demoiselle d’Armentières s’en tira merveilleusement bien.
Son nom ? Line RENAUD.
Eh oui, c’était elle, la petite Line qui n’allait pas tarder à devenir la très grande Line Renaud, vedette fort appréciée dans les théâtres parisiens.
On débute tous un jour...