SUR UNE COLLINE (1941, 1946)
Cette chanson, composée en 1941 sous l’Occupation, puis éditée et chantée par Edith Piaf en 1946, raconte ce qui m’est arrivé en 1928, alors que je rêvais de devenir musicien… Mais mon père voulait que je pense aux « choses sérieuses », comme il le disait.
Je me suis donc trouvé, un jour d’automne, dans un bureau de la compagnie d’assurances qu’il présidait, assis devant un grand registre couvert de chiffres représentant des livres anglaises qu’il m’incombait de transformer en francs français, en fonction du cours de la Bourse. Et bien sûr, la machine à calculer n’avait pas encore été inventée…
Au début, consciencieux, j’ai fait de mon mieux… Mais, après des mois d’ennui à rêver de musiques et à calculer des chiffres, je suis allé me confier au chef de service, une gentille dame déjà grisonnante, dont l’extrême bienveillance avait attiré ma sympathie.
- « Madame, vous vous rendez bien compte que ce travail est… monotone, non ? »
- « Mais, Monsieur Paul, c’est ça, la vie ! »
Cette réponse me fit l’effet d’un coup de massue : « la vie » ne pouvait être « ça ».
En 1941, dans l’ennui ambiant, le souvenir de cette scène m’est revenu, et a donné naissance à une chanson qui a eu l’honneur d’être chantée par Edith Piaf :
« J’écris des chiffres tristes
Sur un grand registre blanc
Et dans ce décor triste
Il y en a qui sont contents…
Mais mon cœur n’y connaît que martyre,
J’ai besoin d’espace aéré !
Et le bruit des machines à écrire
Me tourmente jusqu’à pleurer… »
Le refrain exprimait le vœu qui, en ces jours-là, me tenaillait :
« Je voudrais être sur une colline
Où l’on respire un air miraculeux
Où le vent tiède en passant vous câline
Où l’horizon se confond dans le bleu. »
« Sur une colline» : Petite histoire d’une grande chanson…
Mémoires non éditées de Paul Misraki, archives familiales.
Edith Piaf chante "Sur une colline..."